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Haïti

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AU COURS de son voyage d’exploration en 1492, le vaisseau amiral de Christophe Colomb a fait naufrage sur un récif de l’île des Antilles que se partagent Haïti et la République dominicaine. Néanmoins, ce voyage a posé le fondement de la colonisation du Nouveau Monde par l’Europe. Christophe Colomb a découvert de pacifiques Amérindiens, les Arawaks. C’est de leur langue que vient le nom Haïti, qui signifie “pays montagneux”. Depuis 1492, bien des changements se sont produits dans ce “pays montagneux”.

Christophe Colomb a revendiqué l’île au nom d’Isabelle, reine d’Espagne, et l’a appelée la Isla Española(Île espagnole). Les conquistadores ont soumis les Arawaks au dur labeur d’esclaves. Bientôt, il n’est presque plus resté d’Arawaks. Des Africains ont donc été amenés pour les remplacer.

Avec le temps, des aventuriers français se sont installés dans la partie occidentale de l’île, que la France a revendiquée sous le nom de Saint-Domingue, en 1697. Le pays était fertile, de grandes plantations se sont développées grâce au travail des esclaves, et Saint-Domingue est devenu un territoire prospère.

Un siècle plus tard, Toussaint Louverture, issu d’une lignée royale africaine, mais né sous l’esclavage, a remporté des victoires militaires et diplomatiques en vue de libérer les esclaves. Il est devenu gouverneur de Saint-Domingue en 1801. Par la suite, Jean-Jacques Dessalines, également né sous l’esclavage, a chassé les Français et a rendu au territoire le nom que lui avaient donné les Arawaks. Ainsi, en 1804 est apparue la première nation noire indépendante des Amériques: le pays, alors riche, d’Haïti.

Après la mort de Jean-Jacques Dessalines en 1806, Henri Christophe s’est emparé du nord du pays. Certaines de ses réalisations ont permis à la nation de figurer, pendant un temps, parmi les plus fortes du Nouveau Monde. Il a construit l’imposant palais Sans-Souci et la fabuleuse citadelle Laferrière, une forteresse au sommet d’une montagne. Toutefois, avec le temps, les luttes pour le pouvoir, les révolutions et la mauvaise gestion des biens publics ont appauvri le pays.

Quoi qu’il en soit, Haïti conserve un caractère unique dans le domaine de la langue, de la culture et de la population. Beaucoup d’Haïtiens parlent français, mais la langue généralement utilisée est le créole: un patois expressif qui associe le français à la grammaire des langues d’Afrique occidentale. Dans la population belle et colorée se mêlent les traits africains et européens. Les montagnes pittoresques dominent toujours le pays, mais la plupart sont dénudées, dépouillées de leurs arbres, et les plaines autrefois fertiles sont devenues arides.

C’est un pays qui s’enorgueillit de son passé, déplore son présent et espère un avenir meilleur, un monde nouveau. D’ailleurs, la bonne nouvelle d’un monde véritablement nouveau sous le Royaume de Dieu parvient jusqu’à ces gens, même dans les villages isolés au delà des montagnes.

La bonne nouvelle arrive à Aquin

On n’a que de vagues souvenirs de la façon dont la bonne nouvelle du Royaume de Dieu a été prêchée pour la première fois en Haïti. Dès février 1887, Le Phare de la Tour de Sion citait Ayti (ou Haïti) parmi les endroits d’où venaient des lettres de personnes bien disposées. Toutefois, ce n’est que plusieurs dizaines d’années plus tard, pendant l’hiver 1929-​1930, qu’un Témoin, une pionnière, qui consacrait son temps à donner le témoignage à autrui à propos du dessein de Dieu, a passé plusieurs mois dans ce pays. Puis, en 1938, un avocat appelé Démosthène Lhérisson s’est procuré on ne sait comment, à Port-au-Prince, les livres Création et Prophétie, ainsi que la brochure La Cause de la Mort. Il les a emportés chez lui à Aquin, sur la côte méridionale. Quel en a été le résultat? Sa lecture l’a convaincu que ces publications indiquaient la voie du véritable christianisme. Il a abandonné l’Église catholique et s’est mis à parler de la vérité biblique à autrui, entre autres à son neveu.

Après la mort de cet avocat, son neveu a invité des amis à étudier les livres avec lui, ce qu’ils ont fait régulièrement. L’un d’eux a dit: “Nous avons compris que nous vivions les derniers jours du monde actuel, que le Royaume de Jéhovah était établi dans le ciel depuis 1914 et que les religions seraient détruites parce qu’elles faisaient partie du monde.” Ils commençaient à espérer en un monde nouveau.

Vers 1943, à Cayes, une grande ville à l’ouest d’Aquin, un voyageur qui revenait de Cuba avait en sa possession plusieurs publications de la Société Watch Tower. Cette lecture est tombée entre les mains de Solomon Sévère, qui habitait Vieux-bourg, à environ 10 km d’Aquin.

Par la suite, les personnes bien disposées d’Aquin et celles de Vieux-bourg se sont réunies. Cependant, certaines d’entre elles suivaient les enseignements d’une religion minoritaire appelée “christianisme”, ou solomonisme. Certaines de ses pratiques, comme la polygamie, n’étaient absolument pas chrétiennes. Ceux qui recherchaient sincèrement la vérité ont compris qu’il leur fallait quitter la chrétienté et renoncer à ses pratiques.

En 1944, sept personnes prêchaient la bonne nouvelle en Haïti, et elles ont rapporté avoir consacré dans l’année 1 500 heures à cette activité. L’année suivante, cinq autres se sont jointes à elles dans la prédication, et le nombre d’heures passées à prêcher en public le message du Royaume est monté en flèche pour atteindre 6 164. Vers la fin de l’année de service, deux missionnaires capables se sont associés à ce groupe.

Les premiers missionnaires de la Société Watch Tower

En effet, deux jeunes missionnaires de la Société Watch Tower, Roland Fredette et Harold Wright, qui venaient d’Amérique du Nord, sont arrivés à Port-au-Prince en août 1945. Ils avaient appris le français à Galaad, l’École biblique de la Société Watchtower, mais ils se sont bientôt rendu compte qu’il leur faudrait maintenant apprendre le créole. On s’est habitué à les voir aller et venir, prêchant à l’aide de cartes de témoignage et de phonographes.

Soucieux de voir la prédication de la bonne nouvelle bien s’organiser en Haïti, N. Knorr et F. Franz, à cette époque respectivement président et vice-président de la Société Watch Tower, sont également venus à Port-au-Prince, le 19 mars 1946. Onze personnes ont assisté à la réunion prévue seulement pour les Témoins, qui s’est tenue ce soir-​là dans la maison de missionnaires. Après un discours prononcé par frère Franz, frère Knorr a parlé de l’organisation de la prédication en Haïti. Il a annoncé l’établissement d’une filiale de la Société Watch Tower dans ce pays, filiale dont frère Fredette serait le surveillant. Puis, le soir suivant, à 19 heures, un groupe de 74 personnes s’est réuni dans la maison de missionnaires pour écouter frère Knorr présenter le sujet “Nations, réjouissez-​vous!”

La filiale a été ouverte le 1er avril 1946. Peu après, la Société Watch Tower a reçu la reconnaissance officielle de l’État. Cinq missionnaires supplémentaires sont arrivés, et la prédication de la bonne nouvelle s’est étendue aux villes proches de Port-au-Prince jusqu’à Cap-Haïtien, sur la côte Nord.

Vieux-bourg rencontre les missionnaires

À cette époque, les membres du groupe de Vieux-bourg discutaient souvent avec un homme appelé Cassindo. Alors que celui-ci se trouvait à Port-au-Prince, en 1948, il a écouté un des missionnaires prononcer un discours place Jérémie, puis il lui a dit qu’il y avait des gens qui tenaient le même langage que lui à Vieux-bourg. Cassindo est rentré chez lui avec cette nouvelle: “Genyen moun kom sa yo nan Port-au-Prince [Il y a des gens comme ceux-là à Port-au-Prince].” L’excitation était à son comble parmi les membres du groupe de Vieux-bourg.

Ils ont pris contact avec les missionnaires qui sont venus leur rendre visite. Quelle joie pour le groupe de Vieux-bourg! Ils étaient si contents qu’ils sont restés toute la journée à prêcher avec leurs visiteurs. Le soir même, un discours a été prononcé dans le jardin public à la lumière d’une lampe à pétrole.

Lors d’un voyage ultérieur, ceux qui remplissaient les conditions requises se sont fait baptiser et le groupe a été organisé en congrégation, l’une des premières en Haïti. Mais il y avait des problèmes. Solomon Sévère avait tendance à commander. Un frère qui se montrait plus humble a donc été nommé surveillant de la congrégation. Solomon Sévère s’est rebellé contre cette décision et a quitté la congrégation, imité par d’autres qu’il avait influencés. — Actes 20:29, 30.

Les 12 qui sont restés reconnaissaient Jésus Christ comme leur Conducteur et ont continué à servir fidèlement Jéhovah (Mat. 23:10). Il en est résulté d’abondants bienfaits. En 1949, pour environ 400 habitants, Vieux-bourg comptait 21 proclamateurs, plus qu’à Port-au-Prince.

Un pasteur découvre le monde nouveau

À cette époque, quelques membres du clergé de la chrétienté ont involontairement contribué à communiquer la vérité à leurs ouailles. Laissons Diego Scotland, natif de la Dominique, nous raconter ce qui s’est passé dans son cas:

“Alors que j’étais pasteur dans une église pentecôtiste, le pasteur en chef a rapporté des États-Unis plusieurs publications de la Société Watch Tower pour son usage personnel. Quand j’ai commencé à les étudier, il m’a dit que je risquais de perdre la raison. Je ne l’ai pas écouté, car je voyais qu’elles disaient la vérité. Cependant, quand j’ai refusé de diriger les services à l’église, nos relations se sont tendues. La rupture définitive s’est produite lorsque nous avons eu un débat sur la doctrine de l’immortalité de l’âme.”

Vaincu, le pasteur supérieur a dit qu’il ne permettrait pas aux Témoins de Jéhovah de s’établir en Haïti. Citant Gamaliel, Diego, homme mince et calme, a répondu que si les Témoins de Jéhovah détenaient la vraie religion, personne ne pourrait les arrêter (Actes 5:39). Il a commencé à étudier avec les Témoins, a fait de rapides progrès, et il est bientôt devenu proclamateur et s’est fait baptisé.

D’autres apprennent et se mettent rapidement à prêcher

Quatre autres diplômés de Galaad sont arrivés en Haïti en 1948: Alexander Brodie et Harvey Drinkle en avril, et Fred et Peter Lukuc en été. Ils étaient tous Canadiens. Depuis leur maison de missionnaires au 32 rue Capois, ils ont beaucoup contribué à l’essor de la prédication de la bonne nouvelle à Port-au-Prince.

Fred Lukuc avait 23 ans cette année-​là et il était pionnier depuis 1943. Après son arrivée en Haïti, il a laissé le livre “La vérité vous affranchira” au propriétaire d’un magasin d’articles de cuir et lui a promis de revenir le dimanche suivant. Mais entre temps, il s’est passé beaucoup de choses. Maurice Sanon, le gendre de cet homme, a vu le livre et s’est mis à le lire. Chaque après-midi, cet ancien instituteur étudiait la Bible avec le livre de son beau-père. Au bout de quelques jours, il a commencé à faire remarquer à ses amis les fausses doctrines que l’Église catholique leur enseignait. Il avait hâte de rencontrer Fred Lukuc.

“Maurice m’a posé bien des questions, a raconté frère Lukuc quelques années plus tard, et nous avons commencé à étudier la Bible. Il faisait de rapides progrès et communiquait à sa famille et à d’autres les vérités qu’il découvrait. Mais, lorsque je l’ai invité à venir prêcher avec moi, il a objecté: ‘Je n’en sais pas assez.’ Je lui ai répondu: ‘Vous en savez plus sur la Bible que les gens du territoire. De toute façon, c’est moi qui dirigerai la conversation.’ Il a donc accepté. Cependant, dès la première porte, cet homme énergique a mené en grande partie la conversation.” Par la suite, sa femme et ses quatre enfants se sont joints à l’étude; toute cette famille, ainsi que quelques neveux et nièces, sont devenus Témoins.

L’année suivante, en 1949, Fred a rencontré un protestant sincère de 40 ans, à Carrefour, près de Port-au-Prince. Cet homme aussi avait soif de vérité. “Dumoine Vallon a posé de nombreuses questions de doctrine, a raconté Fred. Je suis revenu la semaine suivante, comme il était convenu, mais il était absent. J’étais déçu, car j’avais parcouru une longue distance à bicyclette.” Que s’était-​il passé? Fred raconte: “Il est bientôt arrivé et m’a expliqué qu’il était sorti prêcher aux gens du voisinage. ‘Ils ne connaissent rien de Dieu’, a-​t-​il dit.” Grâce à une étude biblique à domicile, il a fait de rapides progrès et s’est fait baptiser en juin 1950. Il est toujours un fidèle ministre de la bonne nouvelle.

Notre première assemblée de district

Notre première assemblée de district a eu lieu en 1950. Frère Knorr était présent et a participé avec les proclamateurs au défilé d’“hommes-sandwiches” qui annonçait le discours public. À ce spectacle inhabituel, les gens se sont rassemblés autour des proclamateurs, le long des routes, et certains se sont moqués d’eux. Toutefois, quelle joie les frères ont éprouvée lorsque 474 personnes ont assisté au discours prononcé dans un théâtre ouvert, près du port! Plus tôt dans la journée, 13 d’entre elles s’étaient fait baptiser sur la plage de Club Thorland.

Frère Knorr a donné des instructions pour améliorer l’organisation de la congrégation, la formation des proclamateurs et la façon de reprendre ceux qui assistaient aux réunions avec de mauvais mobiles. Les gens devaient apprendre que les Témoins de Jéhovah ne sont pas comme les protestants, qui convertissaient les catholiques en leur offrant des avantages matériels.

Remarquant qu’après cinq années d’activité missionnaire on ne recensait que 86 proclamateurs, frère Knorr a suggéré que le ministère pourrait être plus productif si l’on prêchait et tenait les réunions en créole plutôt qu’en français. Quand le changement a été opéré, les résultats ne se sont pas fait attendre.

Frère Knorr a également annoncé la traduction en créole de la brochure Pouvez-​vous vivre à jamais dans le bonheur sur la terre? Toutefois, les traducteurs utilisaient un système phonétique mis au point par un Allemand nommé Laubach. Ce système permettait aux anglophones de prononcer aisément le créole, mais il n’était pas familier à la population catholique, aussi la portée de la brochure a-​t-​elle été limitée.

Plus de résultats dans le Sud

La congrégation de Vieux-bourg prêchait vers le sud jusqu’à Saint-Louis du Sud, le village de Benoît Sterlin, un homme d’affaires bien connu qui étudiait avec les Témoins depuis 1946. Il prêchait aussi. En 1950, le groupe de sept proclamateurs qui se trouvait à Saint-Louis du Sud est devenu la deuxième congrégation du Sud. Benoît a été baptisé au mois de mars suivant, et sa femme et lui sont devenus des proclamateurs très actifs.

Jusqu’alors, seuls quelques missionnaires avaient été autorisés à célébrer les mariages. Lorsque des frères haïtiens ont commencé à pouvoir célébrer les mariages, Benoît a été l’un de ceux qui ont été assermentés par un juge, à Port-au-Prince.

La vérité triomphe

En 1951, Alex Brodie donnait le témoignage dans la rue des Miracles, dans un quartier commerçant de la capitale, Port-au-Prince, quand il est entré dans un magasin appelé le Tailleur Élégant. Il a rencontré Rodrigue Médor, 32 ans, et lui a laissé le livre “Que Dieu soit reconnu pour vrai!” Ce maître tailleur très soigné a accepté une étude biblique; mais Alex le trouvait rarement lors des visites suivantes. Rodrigue a reconnu: “J’avais accepté le livre pour me débarrasser de lui. Ma femme et moi étions de fervents catholiques. Quand Alex a proposé une étude, je lui ai dit qu’il pouvait venir. Mais, chaque fois qu’il venait, je m’esquivais.”

Néanmoins, la vérité a triomphé. Il se rappelle: “J’ai essayé de le dérouter avec une question sur la Vierge; mais il m’a répondu de façon satisfaisante, et c’est alors que j’ai commencé à étudier sérieusement. Ma femme s’est opposée, elle a même demandé à un prêtre de prononcer des prières pendant neuf jours pour que j’arrête. Alors nous avons étudié ailleurs.”

Quand Rodrigue a su ce que la Bible disait à propos de l’usage des images, il a pris des mesures radicales. Il a enlevé l’image de la Vierge qui se trouvait dans le salon et l’a cassée. Sa femme était furieuse. Cependant, elle a été frappée par le changement de ses centres d’intérêt. Par exemple, au lieu de sortir avec ses amis, Rodrigue passait des soirées à lire des publications bibliques. Le remarquant, elle s’est mise aussi à étudier. Il s’est fait baptiser en février 1952, et sa femme, trois ans plus tard.

David Homer, un autre missionnaire, a rencontré Albert Jérome dans sa petite épicerie. Au début, cet homme avait tendance à déprécier la vérité. Mais, sentant chez lui “quelque chose de sincère”, David a continué de lui rendre visite. Une étude biblique a finalement commencé avec Albert, qui a progressé rapidement. Après son baptême, ils ont continué d’étudier ensemble, se servant des matières des livres “Équipé pour toute bonne œuvre” et Qualifiés pour le ministère. Cela a permis à Albert de devenir un ministre capable dans la congrégation.

Extension de la bonne nouvelle en créole

Diriger des études bibliques présentait des difficultés inhabituelles aux missionnaires. Les livres étaient en français, mais, avec la plupart des gens, il fallait donner des explications en créole. Dans certaines régions, la seule lumière disponible le soir émanait d’une petite lampe à pétrole faite avec une boîte de lait “Carnation”. “La lumière était faible, se rappelle Alex Brodie, mais le désir d’apprendre que manifestaient les étudiants compensait cet inconvénient.”

Il y avait toujours une bonne assistance aux discours prononcés en créole dans un parc de la banlieue de Port-au-Prince et, parfois, au bord de la mer. Les missionnaires apportaient leur système de sonorisation portable à bicyclette et installaient les haut-parleurs dans des palmiers. Les gens venaient avec leur siège ou s’asseyaient sur l’herbe.

Beaucoup de gens s’intéressaient au message à Carrefour, où vivait Dumoine Vallon. Une étude de livre de la congrégation a donc été organisée chez lui. Et que se passait-​il à Vieux-bourg? Les proclamateurs prêchaient avec zèle dans la campagne environnante et prononçaient des discours publics de lieu en lieu. Ils se déplaçaient à cheval, à dos d’âne, ou de mule, et dormaient à la belle étoile si la nuit les surprenait en chemin. Puis, brutalement, de graves problèmes se sont posés en Haïti.

Une interdiction subite

Dans une lettre datée du 19 avril 1951, le ministre des Affaires religieuses a informé la filiale que les Témoins de Jéhovah devaient cesser toute activité en Haïti. La lettre accusait les Témoins d’être “antinationaux” et d’utiliser Réveillez-vous! pour propager des idées communistes. Pourquoi ce changement?

Le clergé en était l’instigateur. Pendant des mois, il avait attiré l’attention du gouvernement sur la question du salut au drapeau. Les catholiques accusaient les frères d’être communistes. “À bas les communistes!” criaient-​ils souvent contre les Témoins.

Il a fallu plus de trois mois et de nombreuses lettres pour convaincre les autorités qu’elles avaient été mal informées et que les Témoins de Jéhovah n’avaient aucune sympathie politique. Finalement, l’interdiction a été levée en août.

Quel effet tout cela avait-​il eu sur l’œuvre? La police avait fermé les Salles du Royaume. Toutefois, les réunions s’étaient tenues dans les foyers où se réunissaient les groupes d’étude de livre. En juillet, pendant l’interdiction, les dix proclamateurs de Carrefour avaient formé une congrégation, dont Peter Lukuc était le surveillant. De plus, cinq diplômés de Galaad supplémentaires étaient arrivés. Une fois l’interdiction levée, ils ont rapidement reçu un permis de séjour. Quand des frères d’une ville du Sud sont allés au commissariat demander qu’on leur restitue l’équipement de la Salle du Royaume qui avait été saisi, le commissaire le leur a rendu en disant: “Allez, travaillez pour Jéhovah jusqu’à la fin!”

Un combat contre le vaudou

Victor Winterburn était l’un des missionnaires arrivés récemment. Ce Canadien de 23 ans s’était fait baptiser en 1940, à l’âge de 12 ans, et il était pionnier depuis 1946. Peu de temps après que Victor est devenu surveillant de la filiale en septembre 1951, la vie d’un Témoin, Frank Paul, a été menacée par les superstitions vaudou. Victor Winterburn et Alex Brodie sont venus au secours de Frank. Laissons-​les raconter ce qui s’est passé:

“En 1952, à la suite de ce que des frères nous avaient rapporté, nous avons trouvé Frank à demi conscient sur un lit de camp, dans un temple vaudou. Il avait les mains attachées à un poteau derrière lui et ses pieds étaient également liés. Un bâillon l’empêchait de fermer la bouche. Ses lèvres étaient crevassées et sa face émaciée couverte de cloques. Nous avons essayé de parler à la mambo (prêtresse), mais elle nous a ignorés. Nous ne pouvions ni communiquer avec Frank ni l’emmener. Même la police a dit qu’elle ne pouvait pas le toucher, puisqu’il avait été amené ici par ses parents.

“Nous sommes allés voir ses parents et nous avons reconstitué peu à peu toute l’histoire. Sa femme l’avait quitté, et il élevait seul son enfant en étant tailleur à domicile. Il était tombé malade et s’était mis à délirer; il avait donc été hospitalisé. Croyant qu’il était possédé par un esprit mauvais, ses parents l’avaient transféré au temple. Nous avons appris plus tard que les malades sont battus, et qu’on leur met du piment dans les yeux pour chasser les esprits mauvais.

“Effrayés parce que son état empirait, ses parents ont appelé un frère, qui a essayé de le ramener à l’hôpital. Mais sachant d’où Frank venait, l’hôpital n’a pas voulu de lui. Il n’a été admis que lorsqu’une sœur qui avait été infirmière a proposé d’acheter les médicaments nécessaires et de s’occuper de lui. La congrégation préparait ses repas, service habituellement rendu par la famille du malade.

“Les médecins ont dit que Frank avait la typhoïde et le paludisme. Nous nous demandions s’il s’en sortirait. Cependant, il s’est rétabli, a repris son ministère et finalement s’est remarié. Il est très reconnaissant de l’aide que lui ont apportée les frères et du bel esprit d’entraide de sa congrégation.”

Des voyages mouvementés dans la circonscription

Le surveillant de la filiale, généralement accompagné d’un autre missionnaire, rendait visite aux congrégations en qualité de surveillant de circonscription et prêchait tout le long du chemin.

Lors d’un de ces voyages, en novembre 1951, Victor Winterburn et son compagnon ont parcouru 520 km à bicyclette pour rejoindre Les Anglais, un village du Sud. Au cours de ce voyage, ils ont passé en moyenne dix heures par jour à prêcher et ont laissé 500 publications.

Alors que Fred Lukuc visitait ces congrégations au printemps 1952, il a dû écourter sa visite parce qu’il avait contracté le paludisme. Il a écrit par la suite: “J’ai rebroussé chemin à Cavaillon, ma bicyclette chargée de bagages et de publications, pour un trajet de 174 km. J’ai passé la première nuit à Vieux-bourg-d’Aquin et j’ai absorbé mon dernier médicament. Le trajet à bicyclette du lendemain a été épuisant, car j’ai traversé les collines jusqu’à Grand-Goâve. Cette nuit-​là, j’ai logé chez un homme âgé, bien disposé. J’ai peu dormi. La fièvre et la transpiration m’ont affaibli. Cet homme humble a donc pris des dispositions pour que je rentre à Port-au-Prince en camion. De retour au Béthel, mon état est devenu critique, et le médecin m’a recommandé de rentrer au Canada pour récupérer.”

Voilà pourquoi Fred Lukuc a quitté Haïti en 1952. Cependant, il avait un esprit missionnaire indomptable et, trois ans plus tard, il est revenu poursuivre son excellent travail. Peter Lukuc aussi a finalement dû retourner au Canada pour soigner une grave amibiase. Toutefois, animé de la même ténacité, il est également revenu servir en Haïti.

De nouveaux territoires

Il y avait désormais des congrégations à Port-au-Prince et le long de la route du sud qui mène à Cayes. On s’efforçait aussi de créer des groupes dans d’autres régions. Alex Brodie et Harvey Drinkle faisaient des voyages vers le nord, à travers les marais et les rizières des plaines de l’Artibonite, pour se rendre à Saint-Marc et aux Gonaïves dans la campagne couverte de cactus. Harvey était un homme courageux et paisible. Beaucoup plus tard, il a subi au Canada une intervention chirurgicale au cours de laquelle on lui a ôté l’œil droit à cause d’un cancer. Toutefois, il est revenu en Haïti poursuivre son service.

Alex et lui sillonnaient les routes non pavées sur des bicyclettes chargées de publications, tout en prêchant dans les maisons et dans les villages qu’ils rencontraient sur le chemin. Les gens se lèvent tôt dans la campagne haïtienne. Ces missionnaires frappaient donc à la première porte vers six heures du matin et prêchaient jusqu’à la nuit tombée. Puis ils passaient la nuit dans les petites cases aux toits de chaume de paysans hospitaliers. Il y avait à Saint-Marc et aux Gonaïves des hôtels dans lesquels ils pouvaient loger. Alex a dit plus tard avec enthousiasme: “Nous avons passé de bons moments en rendant visite à ces gens enjoués.”

D’autres missionnaires prêchaient jusque dans l’extrême sud-ouest. Marigo Lolos, qui est devenue plus tard la femme d’Alex, raconte son voyage à Jérémie, en compagnie de trois autres missionnaires célibataires: Naomi Adams, Virnette Curry et Frances Bailey:

“En janvier 1952, nous nous sommes embarquées sur le Clarion, un voilier équipé d’un moteur auxiliaire. La mer était houleuse, le bateau roulait et tanguait, et nous avons été très malades. Nous sommes quand même arrivées à Jérémie, où nous avons eu le plaisir de prêcher et de laisser beaucoup de publications.

“Nous sommes parties en camion (lequel servait d’autocar) jusqu’à Anse d’Hainault. Les passagers masculins étaient assis sur les paquets chargés sur la plate-forme. Au retour, nous sommes entrés en collision avec un autre camion et Frances a été blessée. Naomi possédait une trousse de premiers secours, ce qui lui a permis de panser la blessure; mais nous nous retrouvions bloquées dans les montagnes. Priant en silence, nous nous sommes assises au bord de la route. Frances, enveloppée dans une couverture, était allongée sur un lit de camp.

“Un jeune garçon, qui, de la vallée au-dessous, avait entendu le bruit de la collision, est arrivé avec une bouilloire en métal, un peu de manioc et quelques fruits de plantain. Il a fait un feu et nous a préparé un repas: cet acte de bonté nous a profondément touchées.

“La nuit est tombée, amenant le froid et les ténèbres. À 22 heures, nous avons entendu un véhicule approcher et nous savions qu’il ne pourrait pas passer. La route était étroite avec un à-pic sur un côté. Naomi est donc allée au-devant du véhicule avec une lampe et elle a fait signe au chauffeur de s’arrêter. À notre grand étonnement, il a réussi à faire demi-tour avec son camion; et, à notre soulagement, il nous a emmenées à Jérémie. Nous sommes revenues à Port-au-Prince le lendemain, heureuses d’avoir communiqué la bonne nouvelle dans ce territoire isolé.”

Beaucoup se souviennent et parlent encore de ces courageuses missionnaires. Une sœur haïtienne, baptisée en 1990 à l’âge de 72 ans, se rappelle avoir entendu parler pour la première fois de la vérité par l’une d’elles, il y a plus de 30 ans: “Je souhaiterais maintenant avoir étudié avec elle et être devenue Témoin à cette époque-​là. Je n’aurais pas perdu toutes ces années pendant lesquelles j’aurais pu servir Jéhovah.”

Un pasteur mis en échec

Quand ils donnaient le témoignage à des hommes d’Église, nos frères étaient hardis, se reposant sur la Parole de Dieu. En 1954, un proclamateur a eu une discussion avec un pasteur protestant et trois de ses fidèles. La discussion portait sur l’immortalité de l’âme. Quand on lui a montré dans sa Bible qu’Ézéchiel 18:4 dit: “L’âme qui pèche, c’est celle qui mourra”, le pasteur a dit carrément qu’il ne pouvait pas y croire (La Sainte Bible, traduction de L. Segond). Le frère raconte la suite de la conversation:

“Je lui ai demandé: ‘Quelle est la destinée des bons et des mauvais?’ Il a répondu que les mauvais subissent les tourments éternels de l’enfer tandis que les âmes des bons, y compris celle d’Adam, sont ressuscitées et se réjouissent avec Dieu dans son Royaume. Il a dit que Dieu a pardonné à Adam son péché lorsqu’il l’a revêtu de peaux de bêtes. Il ne pouvait expliquer toutefois comment une âme immortelle pouvait ressusciter. À l’aide de plusieurs textes bibliques, je lui ai montré qu’Adam a péché sciemment, qu’il savait ce qu’il faisait; et que si Dieu lui avait pardonné son péché, ses descendants seraient nés parfaits et non sous la condamnation du péché.

“Quelques jours plus tard, un de ses fidèles m’a dit que le pasteur voulait savoir où les Témoins de Jéhovah acquéraient leur connaissance de la Bible. Ce fidèle et quelques autres se sont mis à étudier avec nous; peu après, l’un d’eux a commencé à prêcher.”

Les Témoins de Jéhovah et les médias

Jusqu’au début des années 50, il n’y avait presque jamais rien eu dans la presse haïtienne à propos des Témoins de Jéhovah. Mais les choses ont changé lors de l’Assemblée de la société du monde nouveau au Yankee Stadium de New York, en juillet 1953. Six journaux ont donné gratuitement des nouvelles des délégués d’Haïti. Le National a publié une photographie prise au stade le premier jour et, par la suite, a tenu ses lecteurs au courant des projets de tenir une assemblée semblable en Haïti.

Les stations de radio de deux villes ont diffusé gratuitement notre programme. Après avoir lu le texte de l’émission publique de la Watch Tower “Sujets de réflexion”, le directeur d’une station a révisé son programme pour pouvoir l’inclure. Une autre station a demandé que l’émission soit prolongée de 30 minutes.

Les frères d’Haïti assument de plus grandes responsabilités

Deux administrateurs de la Société Watch Tower sont venus en Haïti en 1954. Milton Henschel est venu desservir une assemblée; sa visite coïncidait avec le Mémorial célébré le 17 avril. Les frères ont été heureux qu’il en prononce le discours. Pendant sa visite, frère Henschel a conseillé de confier de plus grandes responsabilités aux frères haïtiens. Des dispositions ont donc été prises et bientôt les comités de service des congrégations ont été entièrement composés d’Haïtiens. Cela laissait davantage de temps aux missionnaires pour prêcher. Frère Henschel a également laissé un jeu de bobines du film La Société du Monde Nouveau en action. Ce film a été présenté à de nombreuses personnes dans tout le pays.

En août, lorsque Fred Franz est venu en Haïti, il a conseillé de déplacer le bureau de la filiale et les Salles du Royaume dans de plus beaux quartiers de la ville. Le bail du bâtiment dans lequel se trouvaient la filiale, la maison de missionnaires et une Salle du Royaume, arrivait à son terme. Afin de pousser les frères à l’action, le surveillant de la congrégation, Maurice Sanon, leur a dit à plusieurs reprises: “Si nous ne trouvons pas de salle, nous tiendrons les réunions à la belle étoile.”

La grande cour pavée du nouveau local de la filiale, situé au 39, rue Lafleur Duchène, a effectivement servi temporairement de salle “à la belle étoile”. Les réunions y ont eu lieu pendant quelques mois, jusqu’à ce que les frères louent un pavillon dans la Grande Rue, en 1955. Ensuite, avec l’autorisation du propriétaire, ils ont abattu les cloisons intérieures de la maison pour créer un espace deux fois plus grand que celui qui leur servait de Salle du Royaume dans la maison rue Capois.

Comme ils allaient bientôt avoir un enfant, les Brodie sont retournés au Canada juste avant l’emménagement dans la maison de la rue Lafleur Duchène. Ils habitent maintenant à Toronto, où Alex est ancien.

Le retour de Fred Lukuc

Lors de l’assemblée de district de Dallas (Texas), en 1955, Fred Lukuc, qui essayait de se rétablir, a eu la surprise de rencontrer Roland Fredette, qui lui a dit: “Fred, reviens en Haïti. Tu iras mieux là-bas.” Fred servait alors à la Ferme de la Watchtower à Norval, au Canada. Mais sa santé était précaire, et il faisait des rechutes de temps en temps. Qu’allait-​il faire?

“En septembre 1955, alors que je ne pesais que 54 kilos, je suis revenu à Cap-Haïtien avec Roland Fredette, a écrit Fred par la suite. La Société et tous les frères ont été très gentils. Quelques mois plus tard, la Société m’a invité à œuvrer dans la circonscription du nord d’Haïti. Quel honneur! Mais allais-​je pouvoir m’en acquitter? Je ne me sentais pas suffisamment fort. J’ai prié. Puis j’ai écrit à la Société: ‘Je vais essayer.’ J’ai repris mon activité dans la circonscription en juin 1956. Au cours des six années suivantes, j’ai été abondamment béni par Jéhovah. J’ai repris 18 kilos et j’ai complètement retrouvé la santé.”

Un homme peut le faire

Les effectifs des diplômés de l’École de Galaad ont été encore une fois renforcés en 1956. Parmi les nouveaux figurait Max Danyleyko, qui avait été missionnaire au Québec et qui parlait donc déjà le français. Il est arrivé en février et a été nommé aux côtés de Grady Rains, qui était en Haïti depuis 1952. Parlant de ses débuts, frère Danyleyko raconte:

“La maison que nous avons louée à Petit-Goâve n’avait pas l’eau courante. C’est pourquoi nous nous sommes rendus à la fontaine publique, un seau à la main; mais des femmes ont accouru, ont empoigné le seau et l’ont porté à notre place. Elles disaient: ‘Yon nonm pa kapab fè sa!’ (Un homme n’est pas capable de faire ça!) C’était le travail de la femme. La même chose s’est produite au marché. Il a fallu du temps pour leur faire comprendre qu’un homme peut le faire. Par la suite, nous avons commencé à voir d’autres hommes suivre notre exemple.”

Les marchés se font en partie sous de grands hangars. Mais ils s’étendent aussi en plein air. Quand ils ne sont pas disposés sur de longues tables à l’abri, les étalages interminables vont jusque sur le pavé de la rue, à l’extérieur. Promenons-​nous sur l’un de ces marchés.

Nous nous faufilons dans la cohue, marchant avec précaution autour des commerçants ou enjambant leurs marchandises. Remarquant quelques beaux citrons, nous nous approchons de la femme accroupie à côté, et échangeons avec elle ces paroles: ‘Combien coûtent quatre tas?’ ‘Quatre-vingts cents.’ ‘Je t’en donne 50 cents.’ ‘Non, 70 cents, dernier prix.’ Nous disons: ‘Soixante cents’, et nous partons. Elle nous siffle alors pour nous rappeler. Nous payons 60 cents, ramassons les citrons et lui demandons: ‘Wa ban m’ degi?’ (Et en cadeau?) Elle sourit et nous tend un citron gratuit. Tout le monde est content.

Des missionnaires pour Saint-Marc

Quand les missionnaires George et Thelma Corwin sont arrivés en Haïti, en avril 1956, George a immédiatement commencé son service. Il raconte: “On nous a conduits de l’aéroport au Béthel et nous avons déjeuné. Ensuite, Peter Lukuc m’a invité à prêcher avec lui. Nous avons fait quelques maisons ensemble, puis il m’a envoyé seul à une porte pendant qu’il allait à une autre. Ma première journée en Haïti! Et il fallait parler une langue étrangère! Mais les Haïtiens ont de la considération pour autrui et j’ai réussi à m’en sortir.”

Les Corwin ont été envoyés à Saint-Marc avec Peter Lukuc. Pour commencer, on leur a donné quelques abonnements à renouveler. Alors qu’ils cherchaient une femme inscrite sur une des fiches, les Corwin ont rencontré sa sœur, une institutrice en retraite nommée Adèle Canel. Ils ont étudié ensemble le livre “Que Dieu soit reconnu pour vrai”; elle avec un livre en français, et eux un livre en anglais. Son mari s’est finalement joint à l’étude. Bientôt ce couple a séparé en deux son habitation pour vivre dans une partie de la pièce et garder la plus grande pour y tenir les réunions. Ils sont tous deux devenus Témoins et c’est ainsi qu’est née la congrégation de Saint-Marc, en 1956.

Parmi les personnes qui ont étudié avec les Corwin, citons Marc-Aurel Jean, qui tenait une boutique de tailleur. Sans savoir lire, son père, Emmanuel, a écouté et appris. Rapidement, ils ont assisté tous les deux aux réunions et se sont mis à prêcher, le plus âgé récitant son sermon par cœur. Par la suite, il a commencé une étude biblique avec un pêcheur. Pour cela, il examinait quelques paragraphes avec son fils et s’imprégnait des idées, puis muni de sa Bible, de la brochure et de son cantique, il partait diriger l’étude, commençant et finissant par le chant d’un cantique et une prière, exactement comme aux réunions.

Dans la circonscription avec le film de la Société

Étant surveillant de circonscription, Fred Lukuc a parcouru de nombreuses régions du pays. À partir de 1956, il projetait le film La Société du Monde Nouveau en action dans les villes où il passait. À Hinche, ville située dans les terres, il a choisi un endroit dans un parc juste en face de l’église catholique. Comme le service s’achevait, il a projeté quelques images du début de la première bobine afin d’attirer l’attention des gens qui sortaient de l’église. Puis il a rembobiné le film, a présenté son introduction et a projeté le film entier. Bien qu’il n’y eût que deux pionniers spéciaux et deux proclamateurs à cette époque dans la ville, il y a eu environ un millier de spectateurs.

Il n’y avait pas l’électricité à Mirebalais, au sud de Hinche. Comment le film pourrait-​il donc y être projeté? Fred a donné le témoignage à un sergent et lui a parlé de ce problème. Le sergent a pris des dispositions pour que le film puisse être projeté dans la caserne, en utilisant un groupe électrogène. Les habitants de la ville ne pouvaient être invités, mais il a permis aux quelques frères d’y assister. Soixante-quinze personnes étaient présentes, y compris les femmes et les amis des soldats.

Bien des années plus tard, en 1988, après que Fred eut prononcé un discours dans la congrégation française de Delray Beach, en Floride, le surveillant-président, frère Fabien, s’est présenté et lui a dit: “Tu m’as rencontré en 1957, quand j’étais sergent à Mirebalais. J’ai quitté l’armée en 1971. À présent, je suis ton frère. Ma fille est pionnière permanente.” Quelles belles retrouvailles, après plus de 30 années!

C’est aussi à Mirebalais qu’un jeune de 20 ans a donné aux frères un bel exemple de courage. Bien que paralysé des deux jambes, à l’occasion de la visite de Fred il est venu en ville sur son âne. Quelqu’un a dû le porter sur son dos pour entrer et sortir de la Salle du Royaume afin qu’il assiste aux réunions. À dos d’âne, il a aussi participé à la prédication dans son village, à 18 kilomètres de la ville. Il était parmi les 54 personnes qui se sont fait baptiser à l’assemblée de district de Port-au-Prince en 1957.

Plus de 30 ans après, Fred se souvenait encore très bien de certains proclamateurs de la congrégation d’Ouanaminthe à la frontière de la République dominicaine. Il se rappelait que trois de ces fidèles Témoins qui habitaient à 19 kilomètres de la Salle du Royaume étaient venus à pied pour participer à la prédication du dimanche matin. Ils ont passé toute la journée à prêcher, ont assisté à la réunion le soir et ont refait 19 kilomètres au clair de lune pour rentrer chez eux.

Des pionniers efficaces

Au cours de son voyage, Fred a vu des paysages pittoresques. Encore plus beau, toutefois, était le fait que les frères y trouvaient des gens qui cherchaient sincèrement la vérité.

À Petite Rivière de l’Artibonite, Fred a rendu visite à deux pionniers spéciaux. Quels résultats obtenaient-​ils? Au bout de 14 mois dans cet endroit, ils voyaient plusieurs étudiants de la Bible participer avec eux à la prédication. Citons Gaston Antoine (un pharmacien) et sa femme, ainsi que sa sœur et son mari, ancien pasteur de l’Église de Dieu. Ils étaient onze à prêcher cette semaine-​là, dont six pour la première fois. En outre, beaucoup plus de personnes manifestaient de l’intérêt. Environ 800 ont assisté dans un parc à la projection du film de la Société, et on a aussi dénombré une bonne assistance aux autres réunions.

Entre tempêtes et inondations

Peter Lukuc visitait la circonscription du Sud en 1957. Il s’est rendu en bateau à moteur d’Anse-à-Veau à Baradères, une ville exposée aux inondations. Après avoir prononcé son discours public devant 30 personnes, il a vu des nuages menaçants s’accumuler dans le ciel. Il a pris le bateau le lendemain matin, mais une violente tempête a éclaté pendant la traversée; la pluie battante transperçait les passagers. Le bateau a donc fait escale à Petit-Trou de Nippes.

Les intempéries n’ont pas arrêté Peter. Croyant que c’était la première fois que la ville recevrait le témoignage, l’après-midi même, il est allé prêcher sous la pluie. Cependant, un proclamateur qu’il avait rencontré à Miragoâne était déjà là. Ce frère était tout content de revoir Peter. Le lendemain matin, tandis que le bateau rentrait à Anse-à-Veau, une autre tempête s’est levée. Toutefois, ils ont réussi à regagner sains et saufs la ville déjà inondée.

Partant d’Anse-à-Veau par voie de terre, Peter a quand même dû traverser Grande-Rivière. À 3 kilomètres de là, il entendait déjà le grondement du fleuve qui dévalait la montagne. Il était infranchissable. Sur les deux rives, les gens ont attendu toute la journée et toute la nuit. Pendant ce temps, Peter pataugeait pieds nus dans la boue afin de donner le témoignage, et il a laissé des périodiques chez quelques personnes. Le lendemain matin, le niveau de l’eau ne lui arrivait que juste au-dessous de l’épaule: il a donc traversé le fleuve à gué.

Des frères prêchaient aussi à Miragoâne, un port pittoresque au nord-est de Vieux-bourg, et des personnes comparables à des brebis se manifestaient. Un jour, le fils d’un prédicateur baptiste a assisté à une étude biblique au cours de laquelle on discutait du monde nouveau à venir. Les preuves bibliques que la terre deviendra un paradis débarrassé de la souffrance, de la mort et de la méchanceté l’ont beaucoup touché. Il a vu qu’il fallait raisonnablement en conclure que tous les bons n’iraient pas au ciel (2 Pierre 3:13; Rév. 7:9; 21:4, 5). Il est immédiatement retourné dans son village sur les montagnes, a réuni les fidèles et son père, et leur a montré ce que dit la Bible à propos du véritable avenir de la terre. Le lendemain, ils ont envoyé une délégation à Miragoâne afin de demander aux Témoins de venir et de leur enseigner la Bible. La plupart des fidèles de cette Église, ainsi que le prédicateur, se sont mis à étudier; une trentaine sont devenus Témoins.

Ils étaient des piliers de l’Église

Dans le Nord aussi, des gens très actifs dans leur Église acceptaient les vérités bibliques avec reconnaissance. Par exemple, au bout de sept mois passés à Port-de-Paix, sur la côte nord, François Doccy et Jean Sénat se réjouissaient d’avoir rencontré de nombreuses personnes désireuses de servir Jéhovah. Lors de la visite du surveillant de circonscription, neuf personnes ont prêché. Une conversation entre Fred Lukuc et une jeune catholique révèle qui étaient certaines d’entre elles. La voici telle qu’il s’en souvient:

“‘Vous êtes sorti seul, aujourd’hui?’ a-​t-​elle voulu savoir. J’ai répondu: ‘Non, j’étais avec Rock Saint-Gérard.’ ‘Rock Saint-Gérard?’ a-​t-​elle demandé, tout étonnée. ‘Il est Témoin de Jéhovah, maintenant’, ai-​je dit. ‘Mais, s’est-​elle exclamée, il était président de l’association des Légionnaires! Un pilier de l’Église catholique!’ Alors j’ai ajouté: ‘Sa femme aussi est Témoin.’ Elle m’a demandé: ‘Est-​il vrai qu’Irlande Sarette étudie avec vous, les Témoins?’ J’ai répondu: ‘Oui, elle assiste à nos réunions et prêche avec nous.’ ‘Oh! mes amis, oh! Elle était présidente de l’organisation Croisée!’ ‘Et puis, il y a Lucianne Lublin...’ Elle m’a interrompu: ‘Ça fait quatre piliers de l’Église!’ Alors j’ai dit: ‘Eh bien, vous devriez étudier aussi.’ ‘C’est ce que je vais faire’, a-​t-​elle répondu.”

Les personnes mentionnées ici et d’autres se sont fait baptiser à l’assemblée de district de décembre, cette année-​là (1957). Don Adams, du siège de la Société à Brooklyn, était présent en qualité de surveillant de zone.

Des progrès en dépit de l’opposition

La propagation de la bonne nouvelle dans de nouvelles régions a suscité de fausses accusations de la part des chefs religieux. Quand Roland Fredette, Fred Lukuc et Hiram Rupp, un missionnaire de la quatrième classe de Galaad, ont commencé à rendre visite aux habitants de Mont-Organisé, à 35 kilomètres d’Ouanaminthe, en 1957, le clergé a réagi en proclamant ces avertissements: “Les faux prophètes sont arrivés!” “Des espions américains sont dans le bourg!” “Attention aux communistes!”

Les frères ont réfuté les accusations avec tact. Un homme des plus en vue de la ville, François Codio, a discuté avec eux pendant trois heures. Impressionné par leurs explications, il a pris un exemplaire de chaque publication qu’ils possédaient. Au lieu de parler contre eux, d’autres personnes se sont mises à les écouter et beaucoup ont accepté des publications.

À Port-au-Prince aussi, l’œuvre progressait sans cesse. Il était donc nécessaire d’agrandir les locaux de la filiale. En outre, durant les soulèvements politiques de 1957, les alentours du bâtiment de la filiale, rue Lafleur Duchène, sont devenus un foyer de violence. Aussi, lorsque le bail est arrivé à son terme, le Béthel et les bureaux ont été transférés au 3, Pont-Pradel, à Bois-Verna, un plus beau quartier de la ville. Une nouvelle congrégation qui pouvait s’y réunir et qui tenait les réunions en français a été formée.

Les soulèvements politiques, qui ont fait changer de gouvernement à six reprises en dix mois, se sont poursuivis jusqu’en 1958. Cependant, tout en restant neutres, les frères, comme ils l’avaient toujours fait auparavant, n’ont pas cessé de prêcher que le Royaume de Dieu est l’unique réponse aux problèmes de gouvernement.

Les fruits d’un bon travail

En 1958, le petit groupe de proclamateurs de Saint-Marc était devenu une congrégation mûre. Cela s’est vérifié en août, lorsqu’ils se sont retrouvés seuls, pendant que les missionnaires assistaient à l’assemblée internationale de New York. La participation à la prédication a été meilleure que les mois précédents et deux nouveaux ont commencé à prêcher. Quel bel exemple de stabilité spirituelle et de zèle dans le service!

George Corwin et sa femme étaient heureux d’avoir contribué à l’édification de cette congrégation. Cependant, comme ils attendaient un enfant, ils ont quitté Saint-Marc en mai 1960 et sont rentrés au Canada.

Davantage de missionnaires apportent leur aide

Quatre autres missionnaires, Roland Sicard, Stanley Boggus, Steve Simmons et Maceo Davis, sont arrivés en 1958. Quand Daniel Eyssallenne les a conduits de l’aéroport à la maison de missionnaires, ils ont trouvé Peter Lukuc qui les attendait pour leur première leçon de français. Au bout d’un mois, ils s’exerçaient à parler cette nouvelle langue avec les voisins de la maison de missionnaires. Stanley Boggus dit: “Nous étions surpris de tout ce que les gens faisaient pour nous aider à nous exprimer.”

Trois mois plus tard, Stanley et Steve ont été envoyés à Cayes, et ils se sont rapidement rendu compte qu’apprendre le français n’était pas suffisant. Un jour, Stanley, accompagné de Max Danyleyko, surveillant de circonscription, discutait avec une femme qui n’arrêtait pas de dire: ‘M’pa sou sa.’ Croyant qu’elle disait: ‘Je ne savais pas cela’, Stanley lui répondait qu’il était là pour le lui annoncer. Par la suite, Max lui a appris qu’elle disait: ‘Ça ne m’intéresse pas.’ Stanley s’est donc mis à apprendre le créole.

Revirement d’un mari

En octobre 1960, Stanley Boggus a épousé Bertha Jean, une pionnière haïtienne. Tous deux sont restés à Cayes comme pionniers spéciaux. Deux mois après, ils ont rencontré Edèle Antoine, qui leur a dit: ‘Je sais que Dieu est avec vous. M’apprendrez-​vous comment l’adorer?’ Malgré l’opposition violente de son mari et de ses voisins, elle a fait d’excellents progrès et elle a été baptisée à l’assemblée de circonscription suivante. Quand elle est rentrée de l’assemblée, à sa grande surprise son mari l’a embrassée, ainsi que ses trois enfants, et lui a dit: ‘Bienvenue à la maison. J’ai appris que tu t’es fait baptiser.’ Il s’est mis à assister aux réunions, est devenu Témoin et il est resté fidèle jusqu’à sa mort, bien des années plus tard.

Quelque 25 ans après avoir quitté Haïti, Stanley Boggus a ajouté cette note: “En 1987, on m’a demandé d’être instructeur à l’École pour les pionniers de la circonscription française à New York. Tandis que je parcourais la liste des inscrits, j’ai remarqué le nom d’Edèle Antoine. Effectivement, il s’agissait bien de celle à qui j’avais fait connaître la vérité 27 ans plus tôt. C’était très encourageant de la voir parmi les pionniers.”

Ne pas être dehors avec les fausses religions

Peu après son arrivée à Mont-Organisé, en mai 1960, en qualité d’officier de police sanitaire, Sénèque Raphaël a accepté l’invitation de François Codio à assister aux réunions qui se tenaient chez lui. Ce bouillant jeune homme de 24 ans a exprimé le désir d’en savoir plus sur la Bible. François lui a donc prêté le livre “Que Dieu soit reconnu pour vrai!”; et Sénèque l’a étudié d’un bout à l’autre. En août, il allait à Ouanaminthe rendre visite à ses parents et se faire baptiser par les baptistes. François l’a encouragé à se rendre à la Salle du Royaume et à rencontrer un pionnier appelé Mercius Vincent.

Mercius a interrogé Sénèque sur ses croyances et il a vu qu’il comprenait que les doctrines de l’Église sont tout à fait différentes de l’enseignement de la Bible. Aussi a-​t-​il dit en regardant intensément ce robuste jeune homme à la peau sombre: “Eh bien, officier, la Bible dit ici, en Révélation 22:15, que quiconque aime et pratique un mensonge est dehors. Cela concerne aussi ceux qui enseignent des mensonges. Alors, vous serez ‘dehors’ avec eux si vous appartenez à cette religion.”

Après une pause, Sénèque a demandé: “Que dois-​je faire?” Mercius lui a remis la brochure “Cette bonne nouvelle du Royaume” et a promis de l’étudier avec lui le lendemain matin. Sénèque l’a lue et en a appris une bonne partie par cœur. Après sa première étude, il a assisté à la réunion le soir même et il est allé prêcher le lendemain matin. Il s’est fait baptiser en janvier 1961. Cependant, François Codio, qui lui avait fait connaître la vérité, n’est jamais devenu Témoin, alors que sa femme l’est devenue.

Préparation en vue de l’accroissement

La congrégation de Carrefour comptait maintenant 54 proclamateurs, qui se sont mis à construire une salle suffisamment grande pour s’y réunir. Lorsqu’ils ont coulé le toit de béton, 67 volontaires ont travaillé avec acharnement sur le chantier toute la journée, pendant que les sœurs leur préparaient les repas. Le 17 décembre 1960, Fred Lukuc a prononcé le discours d’inauguration devant une assistance nombreuse et reconnaissante. Dumoine Vallon a été plusieurs années surveillant-président de cette congrégation. En 1978, il est devenu pionnier spécial et, en 1993, à l’âge de 84 ans, il l’était toujours dans la congrégation de Thorland-Carrefour.

Vers le milieu de 1960, on recensait en Haïti plus de 800 proclamateurs et 23 congrégations, pour 99 proclamateurs en 1950. Max Danyleyko avait été appelé au Béthel comme surveillant de la filiale; Victor Winterburn était sur le point de se marier, et, environ un an plus tard, il est rentré au Canada avec sa femme afin de s’acquitter de ses futures responsabilités familiales.

En 1961, Fred Lukuc a été appelé pour travailler à mi-temps au bureau de la filiale et être instructeur de l’École du ministère du Royaume de mai à août. La formation suivie par 40 surveillants et pionniers spéciaux pendant ces deux semaines de cours est arrivée à point nommé, car elle les a équipés et fortifiés en vue des épreuves qu’ils n’allaient pas tarder à subir.

L’assemblée de district de janvier 1962 a aussi préparé les frères à étendre leur ministère. Parlant du service de pionnier, le surveillant de la filiale a encouragé des frères qualifiés, sans responsabilités familiales, à devenir pionniers spéciaux. Sénèque Raphaël, qui a rempli une demande, a fait cette remarque:

“J’étais pionnier permanent à Artibonite avec Émile Cinéus, et je brûlais d’envie d’être pionnier spécial. J’ai donc démissionné du ministère de la Santé publique. J’avais 40 dollars, une tondeuse de coiffeur et une paire de ciseaux droits avec lesquels j’espérais subvenir à mes besoins. Cependant, grâce à Jéhovah, j’ai toujours eu ce qu’il fallait.” Sénèque était loin de penser que les autorités allaient prendre des mesures contre les Témoins de Jéhovah quelques jours après qu’il eut remis sa demande.

Arrêtés

Le 23 janvier 1962, Max Danyleyko et Andrew D’Amico ont été arrêtés à la filiale et le stock de Réveillez-vous! du 8 janvier 1962 a été confisqué. Andrew et Helen D’Amico, missionnaires canadiens, habitaient au Béthel. Helen a échappé à l’arrestation parce qu’Andrew lui avait dit de se cacher dans la salle de bains. Ils espéraient qu’elle resterait en liberté afin de dire aux autres ce qui s’était passé.

Elle raconte: “J’étais derrière la porte fermée et je priais.” Elle a entendu des hommes fouiller la pièce. Ils sont venus à la porte de la salle de bains, mais l’un d’eux a fait remarquer une porte de placard et ils sont allés fouiller le reste de la maison. Après leur départ, un garde est resté dehors jusqu’à la tombée de la nuit. Il est parti juste avant que Donald Rachwal, un autre missionnaire qui habitait ici, ne rentre de prédication. Apprenant ce qui s’était passé, il a dit à Helen de rester avec les sœurs qui occupaient l’autre maison de missionnaires, puis il a commencé à joindre d’autres frères compétents.

Pendant ce temps, les frères arrêtés étaient confinés avec 17 autres hommes dans une cellule minuscule au poste de police. Ils ont dormi du mieux qu’ils pouvaient, assis sur le sol quand ce n’était pas debout, car ils n’avaient pas la place de s’allonger. On les a interrogés tout le mercredi sans leur dire de quoi ils étaient accusés. Le lendemain matin, ils ont été conduits devant un fonctionnaire haut placé qui a mentionné un article à propos d’Haïti dans Réveillez-vous! du 8 janvier et leur a fait un cours sur l’égalité des races. (L’extrait en question était une citation tirée d’articles des journaux Le Monde et Le Soir qui parlaient de la pratique du vaudou.) Il les a congédiés sans leur permettre de répondre; puis ils ont été relâchés.

Trois semaines plus tard, le 14 février, le secrétaire d’État aux Affaires étrangères et à la Religion a déclaré: “Il nous faudra expulser les enfants des Témoins de Jéhovah de nos écoles publiques.” C’était en rapport avec l’expulsion d’une jeune sœur, qui avait écrit à la principale de son école en lui expliquant pourquoi elle ne pouvait pas saluer le drapeau. La principale, une religieuse catholique, avait envoyé la lettre aux autorités. Une autre sœur a aussi été renvoyée à cette époque. Les deux jeunes filles, d’excellentes proclamatrices, étaient dans leur dernière année d’école.

Expulsés!

Quatre semaines après, le 17 mars, Max, Donald, Andrew et Helen ont été personnellement avisés par le chef de la police que tous les missionnaires avaient vingt-quatre heures pour quitter le pays. Aucune explication ne leur a été fournie. On les a ensuite conduits chez eux afin de récupérer leurs passeports. Là, ils ont rencontré Albert Jérome, alors surveillant de ville, et lui ont expliqué rapidement ce qui se passait.

De retour au poste de police, ils ont été placés sous garde. Toutefois, Rodrigue Médor étudiait avec un sergent qui était de service à ce moment-​là. Max a chargé celui-ci d’un message demandant aux frères de prévenir l’ambassade du Canada. Grâce au sergent, Rodrigue a pu rendre visite pendant la nuit aux missionnaires emprisonnés et récupérer les clefs de la boîte postale de la Société. Le sous-officier est sorti leur acheter de la nourriture, prévenir les frères et relever le courrier.

Le dimanche 18 mars, les trois Canadiens ont été conduits à l’aéroport où un avion partait à Kingston, en Jamaïque. Toutefois, comme ils n’avaient pas de billets pour aller jusqu’au Canada, la compagnie aérienne leur a refusé le passage. Un certain nombre de frères se trouvaient à l’aéroport, et Max Danyleyko a pu parler brièvement à Albert Jérome ainsi qu’à quelques autres. Le lendemain, ils ont été escortés jusque dans l’avion qui les emmenait à Kingston, où ils sont restés quelques semaines avant de rentrer au Canada. Donald Rachwal, qui venait des États-Unis, a voyagé séparément.

Stanley Boggus, surveillant itinérant, a été expulsé avec les autres missionnaires le 3 avril. Plus tard, il a été envoyé au Zaïre. Rentré aux États-Unis en 1971, il a continué de se rendre utile dans les congrégations françaises de New York. Après quelques mois passés au Canada, Max Danyleyko a œuvré au Congo-Brazzaville, en République centrafricaine, au Tchad, au Nigeria et sert à présent en Côte d’Ivoire. Fred Lukuc est allé au Congo-Brazzaville et en Côte d’Ivoire. Pour des raisons de santé, sa femme et lui ont été rappelés au Béthel du Canada en 1985. Peter visite aujourd’hui les congrégations espagnoles aux États-Unis. Les autres missionnaires servent encore Jéhovah fidèlement ou bien sont morts fidèles.

Les chefs religieux jubilent

Les chefs religieux s’étaient chargés de dire aux représentants du gouvernement que les Témoins de Jéhovah étaient communistes et ne soutenaient pas l’État. Ils avaient aussi dit aux Témoins qu’ils n’attendaient qu’un ordre du gouvernement pour se débarrasser d’eux.

Ils ont donc accueilli avec joie l’expulsion des missionnaires. Une station de radio évangélique de la côte Sud a répandu la nouvelle avec jubilation, en ces termes: “Christ et l’État ont expulsé du pays les faux prophètes.” Le clergé s’attendait à ce que l’œuvre du Royaume cesse. Cependant, il est à noter que les Témoins de Jéhovah n’avaient pas été interdits.

Les Haïtiens continuent

André René, à l’époque l’un des premiers Haïtiens ayant reçu une formation à Galaad, est devenu surveillant de la filiale; et les frères haïtiens ont poursuivi l’œuvre. Renan Sanon (qui avait été surveillant de circonscription quelque temps), Émile Cinéus et Don Delva ont été choisis pour s’occuper des trois circonscriptions. Au grand chagrin des opposants, l’œuvre a progressé d’une façon remarquable.

Même certains membres du clergé ont accepté la vérité. Par exemple, Sénèque Raphaël a eu une longue discussion à propos du monde nouveau avec Augustin Josémond, pasteur protestant à Liancourt. Cet homme a accepté une étude biblique, s’est retiré de son Église et s’est fait baptiser. Sa famille de dix enfants et lui sont des Témoins très actifs.

Un nombre croissant de personnes entreprenaient le service de pionnier. Parmi elles s’en trouvaient certaines qui avaient appris à lire et à écrire aux cours d’alphabétisation de la congrégation. Les frères ont aidé et encouragé ces pionniers. Ceux qui étaient dans les affaires leur accordaient même des “tarifs pionnier” (des prix réduits sur les marchandises et les services).

Les congrégations ont si bien prospéré qu’en 1963 le cap des 1 000 proclamateurs a été dépassé, avec un total de 1 036. Cette année-​là, une nouvelle circonscription a été formée et Sénèque Raphaël, à présent orateur enthousiaste, a été nommé surveillant de circonscription dans le Nord. Il parcourait sa petite circonscription en quatre mois. Il profitait donc des “mois libres” pour prêcher dans les villes où il n’y avait pas de Témoins.

Deux autres jeunes hommes prometteurs

Parmi ceux qui sont devenus Témoins à cette époque, certains ont soutenu le vrai culte avec zèle.

En 1961, Fulgens Gaspard, 22 ans, avait vu un adventiste déchirer une page de sa Bible parce qu’il ne pouvait réfuter les textes qu’un Témoin lui avait montrés. Fidèle catholique, Fulgens admettait que les Témoins de Jéhovah connaissaient bien la Bible. Il s’était rendu compte qu’il ne comprenait rien de ce qu’il lisait dans celle qu’il empruntait; il a donc demandé au Témoin de l’aider. Ils étudiaient tous les dimanches. Il n’a pas tardé à assister aux réunions, à cesser d’aller à l’église et il s’est mis à prêcher. Quand il s’est fait baptiser, en mars 1965, il envisageait d’être pionnier.

En 1962, Wilner Emmanuel, alors âgé de 15 ans, étudiait le marxisme avec d’autres jeunes. Cependant, il croyait que Dieu existe et qu’il est à l’origine de l’ordre de l’univers. Un autre élève, le fils de Diego Scotland, lui prêtait La Tour de Garde, Réveillez-vous! et d’autres publications. En outre, Alphonse Hector, un voisin âgé de 35 ans, qui n’était pas encore Témoin, lui a donné le livre “Que Dieu soit reconnu pour vrai!” et lui a conseillé d’étudier la Bible.

Wilner raconte aujourd’hui: “Cette nuit-​là, j’ai lu le livre en entier et j’ai commencé à considérer que j’étais voué à Jéhovah. Quelques jours plus tard, Alphonse a pris des dispositions afin que sœur Derenoncourt étudie avec moi. Elle a été surprise de voir comme j’avais bien compris ce que j’avais lu.” Wilner a progressé rapidement et s’est fait baptiser en août 1965. Il est lui aussi devenu un serviteur énergique de la cause du Royaume de Jéhovah et du monde nouveau.

À la même époque, en 1966, le surveillant de la filiale s’est révélé infidèle à l’engagement chrétien et il a été exclu. Prophète Painson, homme doux et prudent de 29 ans, l’a remplacé et a été surveillant de filiale les six années suivantes. Il avait été baptisé en 1960 et avait entrepris le service de pionnier en 1962. Le bureau de la filiale se trouvait maintenant à l’angle de la ruelle Waag et de l’avenue Christophe, à Port-au-Prince.

En 1967, Fulgens Gaspard, qui n’était baptisé que depuis deux ans, était instituteur. Comme il envisageait d’être pionnier, il a demandé à enseigner à temps partiel. On le lui a refusé. Il a démissionné et espérait gagner sa vie grâce à la peinture, son passe-temps favori. Toutefois, avant même d’avoir pu remplir sa demande de pionnier permanent, il était nommé pionnier spécial. Trois mois plus tard, il a été invité à travailler au Béthel, puis, en janvier 1969, il est devenu surveillant de circonscription. D’un tempérament calme, il était déjà un orateur éloquent et agréable à écouter.

Ils affrontent l’opposition avec hardiesse

En 1969, le clergé a de nouveau fait courir la rumeur que les Témoins de Jéhovah étaient communistes. Les autorités ont ordonné une fouille dans le but de retrouver les publications subversives que les Témoins étaient censés utiliser. Le bruit a donc couru qu’ils étaient arrêtés à Port-au-Prince. Beaucoup de gens se sont hâtés de détruire les périodiques qu’ils possédaient et n’ont plus fait bon accueil aux frères.

Dans des cas isolés, des fonctionnaires locaux ont pris des mesures contre nos frères, alors qu’ils n’avaient reçu aucune directive des autorités pour agir ainsi. Deux pionnières spéciales, Furcina Charles et Yolande Fièvre, ont reçu une note du préfet de Limbé, disant: “Vous avez été dénoncées par la clameur publique comme indésirables à Limbé. Je vous fais savoir à présent que vous n’avez plus de considération parmi nous.” Le maire leur a dit qu’il ne pouvait leur permettre de prêcher et de tenir leurs réunions si elles n’avaient pas d’autorisation écrite des autorités à Port-au-Prince. Il a fermé la Salle du Royaume. Cependant, les sœurs et les quelques autres proclamateurs de l’endroit ont continué de prêcher et de tenir les réunions dans des foyers, en en changeant le lieu et le jour.

Quelques mois après, Furcina a épousé Jacques François, un pionnier spécial. Âgée de 39 ans, elle était baptisée depuis 1959 et pionnière depuis 1961. Jacques avait 29 ans. À son arrivée à Limbé, il a recommencé à tenir les réunions à la Salle du Royaume. Il disait: “Les Témoins de Jéhovah sont une religion reconnue; et à ma connaissance aucun décret ne l’a interdite.”

À un moment, Furcina et lui ont été arrêtés et conduits à la préfecture. Le préfet leur a dit qu’il n’avait aucune charge contre eux, mais que le maire était responsable de leur arrestation. Le lendemain, le maire leur a révélé que le chef de la milice en était la cause. À son tour, le chef de la milice a affirmé qu’il n’avait rien à leur reprocher. Ils ont donc continué de tenir les réunions sans être inquiétés davantage. Jacques est mort en 1993, alors qu’il œuvrait fidèlement en qualité d’ancien à Port-au-Prince.

Les filles du maire étaient des brebis

En 1970, à Bassin-Bleu, un pionnier spécial a commencé une étude biblique avec le prêtre, qui a assisté au Mémorial. Toutefois, le maire de la ville a cherché à le décourager en disant: “Mon Père, tu as fait tes études. Ce n’est pas bien de t’asseoir devant les petits Témoins de Jéhovah pour te faire instruire par eux.” Finalement, le prêtre a cessé d’étudier.

Cependant, la fille aînée du maire, Josette, s’est mise à étudier la Bible. Son père s’y est opposé, mais elle a défendu fermement la vérité et elle s’est fait baptiser. Avec le temps, ses sœurs ont suivi son exemple. Le maire n’en a pas fait autant, mais il est devenu amical avec les Témoins. Quant à Josette, elle est maintenant pionnière permanente et mariée à un ancien.

Les fausses rumeurs ont augmenté les difficultés qu’avaient les frères à louer des salles à l’occasion des assemblées. Ils en ont donc construit une toute simple à Mariani (Port-au-Prince). Ils ont commencé à l’utiliser en 1970 et l’ont agrandie chaque année, car l’assistance augmentait. Il faisait chaud sous le toit de tôle ondulée, mais, aux yeux des 2 049 proclamateurs dénombrés en 1970, c’était mieux que rien.

Un Haïtien revient de l’étranger apporter son aide

À cette époque, l’exode des Haïtiens vers l’Amérique du Nord a pris de l’ampleur. D’un filet dans les années 60, c’est un flot de gens qui quittaient Haïti sur de frêles bateaux à la fin des années 70. Au début des années 60, il y avait déjà assez d’Haïtiens à New York pour y constituer un territoire missionnaire francophone. La première congrégation d’expression française a été formée en 1969. C’est de là qu’est sorti Michel Mentor.

Résident haïtien aux États-Unis, il s’est mis à étudier avec les Témoins en 1966. Il a progressé rapidement et s’est fait baptiser en 1967. Il a reçu la formation de Galaad en 1971; et il a été envoyé en Haïti comme surveillant de filiale. Alors trapu célibataire de 34 ans, il était amical et avait des aptitudes pour diriger. Son arrivée a été particulièrement bien accueillie, car les efforts visant à faire entrer des missionnaires dans le pays étaient infructueux.

D’autres Témoins venaient d’eux-​mêmes afin d’être pionniers dans un territoire où le besoin est grand. Puis, en 1972, la Société a décidé d’évaluer davantage la situation en envoyant quatre nouveaux missionnaires diplômés de Galaad. Toutefois, avec l’appui du ministre des Affaires intérieures, un haut fonctionnaire leur a dit qu’ils seraient poursuivis s’ils restaient dans le pays après l’expiration de leurs visas de tourisme. Ils sont donc allés à Porto Rico en attendant une nouvelle affectation. Peu après leur départ, le haut fonctionnaire est mort. Trois mois plus tard, le ministre est tombé en disgrâce; il a été démis de ses fonctions et exilé.

Un défenseur inattendu

L’opposition venait surtout de fonctionnaires poussés ou gênés dans leurs actions par la propagande du clergé. Certains avaient des préjugés. Leur manœuvre n’était pas dictée par les autorités. Le président d’Haïti, décédé depuis peu à ce moment-​là, avait étudié la Bible avec les Témoins dans sa jeunesse. Bien qu’il eût choisi un mode de vie différent, il avait néanmoins du respect envers les frères. Qui plus est, l’honnêteté des Témoins, leur neutralité politique et leur respect de la loi leur valaient l’admiration d’autres personnes de haut rang. Par exemple, un pionnier relate ce fait:

“Tandis que je proposais les périodiques à deux hommes de Port-au-Prince, l’un m’a dit: ‘Si j’en avais le pouvoir, je mettrais tous les Témoins de Jéhovah en prison.’ L’autre, un ministre, est intervenu avant même que j’aie pu répondre. Il a dit à l’homme que, d’après ce qu’il avait vu au cours de ses voyages et de cérémonies religieuses auxquelles il avait assisté, toutes les religions, excepté les Témoins de Jéhovah, mêlaient le spiritisme à leur culte. Puis d’ajouter: ‘Les Témoins de Jéhovah sont les seuls à pratiquer le véritable christianisme.’”

Recherche de meilleurs locaux pour la filiale

Néanmoins, puisque la Société n’était pas propriétaire des locaux de la filiale, aux yeux de certains l’œuvre des Témoins de Jéhovah en Haïti manquait de dignité. En 1971, un avocat avait loué à la Société une maison rue Saint-Gérard. Mais lorsqu’il a appris qu’elle servait aux Témoins de Jéhovah, il a refusé de renouveler le contrat de location.

Après bien des efforts en vue de trouver un autre endroit, la filiale a emménagé dans une maison rue Chérièz, à Canapé-Vert. Elle y est restée quatre ans, avant d’être transférée à Delmas en 1975. Cependant, cette maison était trop petite. Michel Mentor se souvient: “Nous devions stocker les publications dans les chambres, dans le salon de réception et sur les escaliers. Le surveillant de zone nous a donc conseillé de chercher un autre endroit. L’idée de trouver un terrain à bâtir a commencé à faire son chemin.”

Vanté par certains ecclésiastiques, condamné par d’autres

En 1968, les frères ont reçu le livre La vérité qui conduit à la vie éternelle. Ils l’ont utilisé avec beaucoup d’enthousiasme. Cette publication les a aidés à gagner à la Bible le cœur des jeunes. Certains ecclésiastiques s’en sont même servis dans leurs sermons, en omettant simplement le nom de Jéhovah.

En 1972, un prêtre catholique l’a exposé dans la cathédrale de Port-au-Prince et a dit: “Si les Témoins de Jéhovah vous proposent ce petit livre bleu, acceptez-​le. C’est la vérité.” Une femme l’a regardé avec stupéfaction. Son fils était Témoin et elle s’opposait à lui. Elle est rentrée chez elle et lui a demandé si les Témoins de Jéhovah possédaient un petit livre bleu. “Oui”, a-​t-​il répondu. Elle lui a alors raconté ce qu’avait dit le prêtre et a accepté la proposition de son fils d’étudier avec elle. Elle est devenue Témoin.

Toutefois, le clergé dans son ensemble enrageait de voir ses ouailles quitter le troupeau. Les prêtres se sont mis à critiquer le livre Vérité en chaire. Les pasteurs protestants Evane Antoine, Louis Désiré et d’autres ont commencé à diffuser des émissions de radio contre les Témoins. Chaque dimanche après-midi, au cours d’une émission sur la M.B.C. de Port-au-Prince, Evane Antoine prenait un malin plaisir à critiquer le livre, phrase par phrase, et à faire des commentaires malveillants sur les enseignements des Témoins de Jéhovah. Son objectif était de soulever l’opinion contre le livre Vérité.

C’est le contraire qui s’est produit. La curiosité des gens a été éveillée, et le livre a été largement diffusé entre 1972 et 1975. Les gens arrêtaient souvent les proclamateurs dans la rue et leur demandaient “ti liv po blé a [le petit livre à la couverture bleue]”. Beaucoup parmi eux sont devenus Témoins.

Les émissions de radio ont également suscité la sympathie de fonctionnaires haut placés pour les Témoins de Jéhovah. À ce propos, Rodrigue Médor raconte:

“Michel Mentor et moi avons été convoqués par le ministre des Affaires religieuses au sujet du salut au drapeau. Comme j’étais son tailleur, il m’a reconnu et il a dit: ‘Êtes-​vous celui qui nous donne tant de souci?’ Puis il a parlé du pasteur qui s’exprimait à la radio. ‘Pourquoi ne pas lui répondre?’ a-​t-​il demandé. Je lui ai expliqué que nous ne cherchions pas à débattre en public, car cela ne pourrait que nuire à la dignité de notre message.”

Les Témoins de Jéhovah sur les ondes

Néanmoins, en avril 1973, la Société s’est mise à présenter sa propre émission de 30 minutes, “Ta parole est vérité”, sur Radio Haïti, tous les mercredis soir. Son objectif était de faire mieux connaître les Témoins de Jéhovah et de lutter contre les préjugés que l’émission contre les Témoins avait éveillés. Elle n’entrait pas en controverse avec les allégations du pasteur, mais traitait de sujets comme l’avenir de la terre, les desseins de Dieu, et de questions qui concernaient la famille. Les matières étaient tirées de publications de la Société, tels La Bible est-​elle vraiment la Parole de Dieu? et Réveillez-vous! Le programme, d’un niveau supérieur à celui du pasteur, a gagné l’admiration et le respect des gens.

Comme son but était atteint et qu’elle était payante, l’émission a cessé en novembre 1974. À ce moment-​là, les gens avaient vu que les Témoins se défendaient bien. Le livre Vérité a donc continué de connaître une diffusion extraordinaire.

Cependant, les ecclésiastiques et les gens qu’ils influençaient ont repris leurs attaques en soulevant encore la question du salut au drapeau dans les écoles. Certains journaux ont publié des articles contre les Témoins. Par conséquent, les autorités se sont intéressées de nouveau à cette question. Des ministres ont convoqué Rodrigue Médor et lui ont appris qu’ils étaient effectivement très embarrassés par ce problème. Néanmoins, ils le connaissaient bien et le respectaient; ils ont donc laissé les choses ainsi.

Des salles inadéquates

Quelques fonctionnaires, dont certains étaient poussés par leur fidélité à l’Église, ont imposé des restrictions aux Témoins de Jéhovah. Afin de faire obstacle à l’obtention de permis de construire des Salles du Royaume, ces fonctionnaires ont prétexté que les Témoins n’avaient pas d’association locale reconnue officiellement. Toutefois, le problème des salles était surtout d’ordre financier. La plupart des congrégations n’avaient pas les moyens de construire. C’est pourquoi elles louaient de petits bâtiments dont beaucoup n’étaient pas équipés des commodités élémentaires. Des personnes hésitaient à assister aux réunions dans des lieux si rudimentaires. Pourtant, en certaines occasions, l’assistance montait en flèche. En 1975, une congrégation de 100 proclamateurs a dénombré plus de 400 assistants au Mémorial. Il y avait plus de monde dehors que dedans. Il fallait trouver un moyen de construire des Salles du Royaume.

Certaines congrégations y sont parvenues en obtenant des prêts de la part de frères qui avaient les moyens d’en accorder; et, par la suite, le Collège central a pris des dispositions en vue d’aider au financement de la construction de Salles du Royaume. Beaucoup de belles salles ont été construites depuis que ces dispositions ont pris effet, en 1978.

Le Comité de la filiale

Le Comité de la filiale est entré en fonction en 1976. Les premiers membres étaient Michel Mentor, Sénèque Raphaël et Défense Joseph, lequel avait entrepris le service de pionnier spécial 11 mois après son baptême en 1962. Rodrigue Médor est devenu membre du comité en 1977. En 1980, Défense Joseph s’est établi aux États-Unis pour assumer ses responsabilités familiales.

En 1978, lorsqu’est parue en français la brochure Le sang, la médecine et la loi de Dieu, le Comité de la filiale a demandé à Wilner Emmanuel d’entrer en contact avec la faculté de médecine de l’université d’Haïti. Le doyen a réuni tous les étudiants en médecine et a demandé à Wilner d’expliquer le point de vue des Témoins de Jéhovah sur la question du sang. Après le discours, les étudiants ont été heureux de recevoir chacun en cadeau un exemplaire de la brochure. Depuis, beaucoup, qui sont devenus médecins, respectent la position des Témoins de Jéhovah sur la transfusion sanguine.

Enfin de nouveaux missionnaires!

En mai 1981, un couple de missionnaires a enfin pu entrer dans le pays et obtenir des visas de résidents. Jusque-​là, John et Inez Norman œuvraient dans la circonscription au Canada, où ils accomplissaient un ministère très efficace. Parlant de la façon de prêcher de John, un surveillant de district a dit un jour: “Il est intéressant d’aller prêcher avec lui parce qu’on ne sait jamais ce qu’il va faire d’une porte à l’autre. Il fait preuve d’originalité.”

John était né en 1940 à Montserrat, aux Antilles, et avait été élevé au Canada. Ses parents étaient allés servir où le besoin est grand, au Liberia. John s’était fait baptiser en 1954 et avait entrepris le service de pionnier en 1958. Sa femme, Canadienne, était pionnière depuis 1968.

Après leur arrivée en Haïti, ils sont restés pionniers un certain temps. Puis ils ont été appelés au Béthel en janvier 1983, et John a été nommé coordinateur du Comité de la filiale. Après avoir bien dirigé le bureau de la filiale pendant onze ans, Michel Mentor est devenu surveillant de district, et pionnier spécial les mois où il n’y avait pas d’assemblées.

D’autres missionnaires du Canada, des États-Unis, de Belgique, de France, du Nigeria et d’autres régions des Antilles contribuent également aux progrès de l’œuvre du Royaume dans ce pays. Ils aiment les gens. Ils aiment prêcher autant chez les pauvres, dans leurs habitations blotties les unes contre les autres le long des caniveaux, que chez les riches, dans leurs résidences somptueuses. Des gens des deux milieux (juges, médecins, ingénieurs, hommes d’affaires, artisans, commerçants et ouvriers) se sont joints à eux pour prêcher la venue du monde nouveau.

Œuvrer où le besoin est grand

Outre les missionnaires, beaucoup ont pris l’initiative de venir en Haïti afin d’œuvrer où le besoin est grand. Parmi eux, citons Maxine Stump et Betty Wooten, qui ont accompli une activité productive à Pétion-ville et à Thomassin. Maxine résidait à Thomassin, une commune d’où, pensait-​on, ne sortirait pas de Témoin.

Âgée de 55 ans, elle commençait à sentir le poids des années. Son mari l’avait abandonnée, elle ainsi que l’organisation de Jéhovah. Pourtant, elle a persévéré 23 ans dans ce territoire de montagne, en dépit de l’opposition des gens de l’endroit. Son français et son créole rudimentaires étaient fortement teintés d’anglais. Peut-être les gens devaient-​ils l’écouter plus attentivement pour la comprendre; mais l’intérêt chaleureux qu’elle leur manifestait et sa sincérité les attiraient. Nombreux sont ceux qui ont étudié la Bible avec elle et sont devenus Témoins. Elle a été pionnière permanente à Thomassin jusqu’en 1992, au moment où, à l’âge de 75 ans, elle n’a plus été en mesure de se déplacer dans les montagnes. Elle est rentrée aux États-Unis pour recevoir des soins médicaux et, à présent, elle est pionnière en Floride.

Betty Wooten est devenue “pionnière” le jour de son baptême en 1962. Elle n’avait pas compris qu’elle devait remplir une demande! Elle a été vraiment nommée en 1967. Depuis son arrivée en Haïti, elle est pionnière spéciale à Pétion-ville. Elle est noire, pétulante et paraît bien moins que ses 57 ans. Parfois, dans le feu de l’explication des Écritures, elle passe du créole qu’elle maîtrise mal à l’anglais. Cependant, sa présentation sincère de la vérité et son raisonnement puissant incitent les gens à l’écouter et à réagir favorablement.

Lorsque John et Inez se sont rendus à la filiale du Canada, en 1982, quelqu’un du service des abonnements leur a demandé: “Qui donc est Betty Wooten?” Le service était en train de traiter les dizaines d’abonnements qu’elle avait obtenus. Comment expliquer ce succès? Elle prêche constamment. La prédication de maison en maison n’est que le prolongement de sa prédication informelle. Dans les magasins, au restaurant, dans les stations-service, tous les lieux et tous les instants sont pour elle l’occasion de proposer périodiques, livres, abonnements et études bibliques. Songeant à ses 22 années de résidence en Haïti, elle peut se réjouir d’avoir aidé plus de 70 personnes à se mettre au service de Jéhovah.

À présent, en 1993, il y a quatre congrégations à Pétion-ville, deux à Thomassin et une à Kenscoff, soit sept congrégations et près de 700 proclamateurs dans un territoire autrefois desservi par une seule congrégation.

Un hougan découvre la vérité

Parmi ceux qui sont devenus Témoins de Jéhovah en Haïti se trouve un ancien prêtre vaudou, un hougan, à Labiche. Irilien Désir a commencé à se poser des questions sur Dieu et à vouloir quitter le vaudou. Il s’en est ouvert au prêtre catholique et lui a apporté ses ustensiles rituels. Toutefois, il n’a reçu aucune aide sur le plan spirituel, et il est donc retombé dans le vaudou.

Par la suite, ses fils, de Port-au-Prince et du continent, lui ont écrit qu’ils étudiaient la Bible avec les Témoins de Jéhovah et lui ont conseillé de faire de même. Irilien a couvert 50 kilomètres à cheval pour se rendre à L’Azile et trouver les Témoins. Il a parcouru ce chemin deux fois par semaine afin d’étudier avec eux et d’assister aux réunions. Les esprits, ou loas, qu’il servait se sont mis à le harceler et ont même annoncé sa mort. Il avait fait faire un cercueil, mais il disait: “Je ne crains plus la mort. Je sais qu’il y aura une résurrection.” Quoi qu’il en soit, il n’est pas mort à ce moment-​là et son cercueil lui a servi à stocker les denrées alimentaires qu’il produisait.

Il s’est joint aux pionniers qui prêchaient désormais à Labiche, et il s’est fait baptiser. Par la suite, il a fait don d’une partie de son terrain afin qu’une Salle du Royaume y soit construite. Il est mort fidèle à Jéhovah, en 1989.

Une révolution, mais pas un monde nouveau

Les rues étroites et surpeuplées de Port-au-Prince sont habituellement un kaléidoscope de véhicules peints de couleurs criardes, pleins à craquer de passagers. Cependant, les rues et les véhicules étaient encore plus remplis que d’habitude entre le 5 et le 8 décembre 1985. Haïti recevait des centaines de Témoins d’autres pays. Ils assistaient à l’assemblée “Les hommes d’intégrité” au Centre sportif de Carrefour. Les 4 048 proclamateurs ont été stupéfaits du chiffre de l’assistance (16 260 personnes) au discours public “Où en sommes-​nous dans les temps et les époques fixés par Dieu?”

Deux mois après, le 7 février 1986, une révolution a mis fin au règne des Duvalier, qui avait duré 28 ans. Le pays était en liesse, espérant des conditions meilleures. Cependant, l’économie en ruine et la qualité de la vie n’ont cessé de se détériorer en raison de l’instabilité politique qui a entraîné six changements de gouvernement en six ans, jusqu’en 1992.

Construction d’un nouveau Béthel

Pendant ce temps, les Témoins de Jéhovah attendaient avec impatience un événement historique différent. Depuis novembre 1984, des volontaires internationaux expérimentés, venus d’Amérique du Nord et d’autres pays, travaillaient avec eux à la construction d’un bâtiment sur 4,5 hectares à Santo, à proximité de Port-au-Prince. Des Témoins haïtiens qualifiés dans le bâtiment ont été appelés, ainsi que des centaines d’autres volontaires. Le groupe de bâtiments du Béthel, disposés en U, comprend des bureaux, le stock de publications et deux étages de logements. Une Salle d’assemblées a été construite en même temps.

Ces installations ont été inaugurées le 25 janvier 1987. Charles Molohan, venu du siège mondial, à Brooklyn, a prononcé le discours d’inauguration. Ce rassemblement a vraiment été stimulant et joyeux. Les frères sont fiers de ces locaux. Mais que pensent-​ils de la Salle d’assemblées? Résumant leurs sentiments, Betty Wooten déclare: “Le terrain est joliment aménagé et orné d’arbres et de fleurs. La salle, avec ses commodités modernes, est adaptée au climat tropical d’Haïti. Elle fait honneur au peuple de Jéhovah.” Fulgens Gaspard, qui est devenu membre du Comité de la filiale en 1987, a manifesté sa reconnaissance pour le fait qu’“elle est bien ventilée, ce qui permet d’écouter confortablement le programme”.

Des publications très appréciées

La brochure Vivez éternellement heureux sur la terre! a été publiée en créole en 1987. Les frères l’ont accueillie comme un excellent instrument pour aider les gens à se représenter le monde nouveau, et ils en ont diffusé un grand nombre. C’est un manuel très utile dans les cours d’alphabétisation organisés dans les congrégations. Ces cours contribuent au taux élevé d’alphabétisation enregistré chez les Témoins de Jéhovah. Entre 1987 et 1992, ces cours, également ouverts aux non-Témoins, ont permis à 1 343 personnes d’apprendre à lire et à écrire.

Le livre Vous pouvez vivre éternellement sur une terre qui deviendra un paradis (en français) a aidé des milliers de personnes à comprendre la Bible, et il est encore très demandé. Cependant, en 1989 est parue en créole la brochure “Cette bonne nouvelle du Royaume”, qui est particulièrement utile en Haïti.

Depuis 1989, le livre Les jeunes s’interrogent Réponses pratiques capte l’intérêt des jeunes tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des congrégations. Il n’est pas rare que des jeunes arrêtent les Témoins dans la rue pour leur en demander un exemplaire. De nombreux livres sont diffusés dans les écoles, par des enseignants et par des élèves.

À Canapé-Vert, Nelly Saladin, une jeune institutrice dynamique, a laissé, en un mois, plus d’une centaine d’exemplaires du livre Les jeunes s’interrogent à des élèves de son école. À Jacmel, un enseignant a commandé plusieurs cartons de ce livre pour les donner comme prix aux élèves. Un certain nombre d’écoles l’utilisent comme manuel au cours d’éducation sociale et culturelle.

En 1990, la propriétaire et directrice d’une école de formation professionnelle pour filles, à Port-au-Prince, a demandé à sa nièce si elle avait une idée de ce qu’elle pourrait donner comme prix aux élèves. Sa nièce étudiait alors avec les Témoins de Jéhovah; elle a donc suggéré les livres Les jeunes s’interrogent — Réponses pratiques, Comment s’assurer une vie de famille heureuse et Votre jeunesse — Comment en tirer le meilleur parti. Enchantée, la directrice a commandé aussitôt 40 livres et d’autres par la suite, soit au total 301 livres. Certaines élèves qui ont reçu ces publications sont devenues Témoins, et d’autres sont maintenant proclamatrices non baptisées.

Reconnaissance officielle et juridique

La reconnaissance officielle d’une association représentant les Témoins de Jéhovah a de nouveau été accordée en 1989. Depuis 1962, la Société Watch Tower n’était pas juridiquement reconnue en Haïti. Les Témoins de Jéhovah étaient tout de même restés une religion reconnue grâce à la constitution qui garantissait la liberté de culte. Au fil des années, Rodrigue Médor s’était entretenu à plusieurs reprises avec des ministres afin d’obtenir un statut juridique pour l’Association des Témoins de Jéhovah. Toutefois, c’est le changement de gouvernement, survenu en 1986, qui a établi un climat favorable à la réussite de ce projet. Le comité pour les affaires juridiques de la filiale a donc demandé au nouveau gouvernement la reconnaissance officielle. Cette demande a été accordée et, quelques mois plus tard, l’Association chrétienne Les Témoins de Jéhovah d’Haïti est devenue une entité légale.

À ce propos, le Journal officiel d’Haïti, du 20 février 1989, déclarait: “Considérant que l’Association chrétienne ‘LES TÉMOINS DE JÉHOVAH D’HAÏTI’ contribue depuis de nombreuses années à l’éducation des masses rurales et urbaines du pays par l’alphabétisation”, elle était reconnue “d’utilité publique” et ‘aurait la jouissance des droits et prérogatives attachés à la personnalité civile’.

C’est important, car une organisation de ce genre bénéficie du droit à la propriété. Auparavant, des frères avaient dû prêter leur nom pour acquérir des Salles du Royaume et pour la filiale. À présent, l’association pouvait être propriétaire.

Reconnus comme de bons citoyens

Les Témoins de Jéhovah veulent aider les gens à comprendre pourquoi Jésus a enseigné à ses disciples à prier ainsi: “Que ton royaume vienne. Que ta volonté se fasse (...) sur la terre.” (Mat. 6:10). Ils montrent à leurs compatriotes sympathiques et patients que la volonté de Dieu n’est pas que les gens souffrent de la faim, de la maladie et subissent la violence, ni même qu’ils vieillissent et meurent. Ils expliquent que la volonté de Dieu est de faire de la terre un monde nouveau, avec un paradis dont Haïti ferait partie. Ils enseignent aux gens à respecter la loi, à avoir une bonne conduite, à être honnêtes afin de pouvoir espérer la vie éternelle dans ce monde nouveau.

Beaucoup reconnaissent que l’œuvre des Témoins de Jéhovah procure des bienfaits à la nation. Quand un meurtre a été commis à Saint-Georges, en 1984, les gens se cachaient parce que la police les arrêtait pour les interroger. Toutefois, les Témoins de Jéhovah ont continué de prêcher et la police les a laissé circuler librement. Un policier a dit: “Les Témoins de Jéhovah prêchent la disparition des méchants. Ce ne sont pas eux qui ont commis ce crime.”

Au cours des émeutes et des manifestations de 1991, des gens se sont mis à piller la Cité Soleil, à Port-au-Prince, pendant que deux jeunes sœurs prêchaient dans le même quartier. Deux soldats sont arrivés et se sont placés de chaque côté d’une ruelle étroite, puis ils ont obligé les pillards à passer devant eux et les ont frappés avec un fouet. Qu’ont fait les sœurs? Tenant chacune un exemplaire de La Tour de Garde à la main, elles se sont avancées vers un des soldats. Reconnaissant en elles des Témoins de Jéhovah, il les a laissé passer indemnes et s’est remis à fouetter les autres. Comme l’a dit un officier de Thomassique, en 1991: ‘Je sais que les jeunes Témoins de Jéhovah n’ont rien à voir dans ces émeutes, ces manifestations et ces pillages.’

La première salle construite selon le procédé rapide

La congrégation de 14 proclamateurs du village méridional de Bidouze a eu l’honneur d’être la première à construire une Salle du Royaume selon le procédé rapide. Cette salle a été construite en quatre jours. Après un important travail de préparation, la construction a commencé sous une pluie battante le jeudi 1er novembre 1990. Les 18 frères venus de Port-au-Prince et les frères de la congrégation ont travaillé avec acharnement toute la journée; et certains ont continué bien après le coucher du soleil, au clair de lune et à la lumière d’une lampe à gaz. Le bâtiment n’était pas préfabriqué, il a donc fallu monter les 1 500 parpaings un par un. Néanmoins, le dimanche à 13 heures, la salle était peinte, prête pour la première réunion: une étude abrégée de La Tour de Garde, et le discours d’inauguration auquel 81 personnes ont assisté.

Le comité de construction de la filiale avait désormais montré qu’il était possible de construire des salles modestes pour les congrégations rurales, en utilisant la méthode rapide et pour moins de 5 000 dollars. C’est un aspect à ne pas négliger, compte tenu des moyens financiers très limités dont disposent les frères.

On a de plus en plus besoin de salles. Entre 1990 et 1992, le nombre des Témoins a augmenté de plus de 1 900. En juin 1993, un nouveau maximum de 8 392 proclamateurs et de 174 congrégations a été atteint. L’assistance aux six assemblées de district “L’enseignement divin” s’est élevée à 19 433 personnes. On a rassemblé 44 476 personnes au Mémorial en avril 1993. En outre, les Témoins de Jéhovah sont désormais le groupe religieux le plus représenté à Carrefour, où a été formée la première congrégation de Port-au-Prince.

Les yeux tournés vers le monde nouveau

Sans conteste, un nombre croissant de personnes comprennent que le Royaume de Dieu est l’unique espoir de guérison pour une humanité malade, et que les efforts pour rapiécer le monde actuel sont de courte durée. Elles accueillent donc avec joie “la bonne nouvelle du royaume”: la bonne nouvelle d’un monde meilleur. — Mat. 24:14.

Les Témoins de Jéhovah d’Haïti sont heureux d’aider ces gens à vivre mieux dès maintenant en leur apprenant à appliquer la Parole de Dieu, et en leur communiquant l’espérance certaine de la vie éternelle dans le monde nouveau et juste de Jéhovah.

[Tableau, page 168]

(Voir la publication)

Proclamateurs

10 000

8 000

6 000

4 000

2 000

0

1950 1960 1970 1980 1993

Assistance au Mémorial

50 000

40 000

30 000

20 000

10 000

0

1950 1960 1970 1980 1993

[Carte/Illustrations, page 116]

(Voir la publication)

Port-au-Prince

Saint-Marc

Cavaillon

Cap-Haïtien

Port-de-Paix

Gonaïves

Vieux-bourg-d’Aquin

Hinche

Cayes

[Illustration, page 120]

Roland Fredette, arrivé en Haïti comme missionnaire en 1945, est devenu le premier surveillant de la filiale.

[Illustration, page 122]

Congrégation de Vieux-bourg-d’Aquin, au milieu des années 50.

[Illustrations, page 124]

Certains des premiers missionnaires en Haïti: 1) David et Celia Homer, 2) Alex et Marigo Brodie, 3) Victor et Sandra Winterburn, 4) Peter Lukuc, 5) Fred Lukuc.

[Illustrations, page 126]

Quelques-uns de ceux qui étaient déjà des Témoins zélés en Haïti au début des années 50: 1) Rodrigue Médor, 2) Albert Jérome, 3) Dumoine Vallon, 4) Benoît Sterlin, 5) Diego Scotland.

[Illustrations, page 132]

Gloria Hill, Naomi Adams, Helen D’Amico et Frances Bailey ont largement participé à la prédication en Haïti.

[Illustration, page 139]

Comme d’autres missionnaires avant eux, George et Thelma Corwin parcouraient leur territoire à mobylette.

[Illustration, page 143]

Quelques-uns des premiers proclamateurs à Port-de-Paix: François Doccy et Jean Sénat, pionniers spéciaux, au fond; Rock Saint-Gérard, sa femme et Lucianne Lublin, au premier plan.

[Illustrations, page 147]

En 1962, Max Danyleyko (ci-dessus) et Andrew D’Amico (à gauche) ont été arrêtés, puis expulsés avec d’autres missionnaires.

[Illustrations, page 161]

Maxine Stump et Betty Wooten ont chacune passé plus de 20 années à prêcher ici, où le besoin est grand.

[Illustration, page 162]

Cette Salle d’assemblées à Santo accueille la plupart des circonscriptions d’Haïti.

[Illustration, page 167]

Joyeux missionnaires qui servent la cause du Royaume en Haïti.

[Illustration, page 169]

Comité de la filiale (de gauche à droite): Fulgens Gaspard, John Norman, Rodrigue Médor, Sénèque Raphaël.